Katayoun Rouhi  

2020 - HCE Galerie, Subjectile, SAINT-DENIS

Où est la maison de mon ami, mine de plomb et pastel gras sur papier, 40 x 30 cm, 2020 JPEG - 661.5 ko
Où est la maison de mon ami, mine de plomb et pastel gras sur papier, 40 x 30 cm, 2020

Le subjectile, c’est le papier où s’inscrit la trace, s’imprime l’encre, se dessine la déchirure ou la brûlure de cigarette, la pulsion qui atteint sa cible et frappe votre regard…

C’est un mot au service du dessin, riche en condensations, un mot spectral avec son cortège de revenants, qui a tout pour fasciner avec ses sonorités proches de « subjectivité ». Il évoque le support, une surface réfléchissante comme un miroir qui engendre un espace de projection de soi, là où un sujet peut se jeter, c’est-à-dire se lancer et aussi s’abandonner, se défaire de soi, voire se balancer des projectiles. La création y trouve son lieu : l’artiste caresse ou violente le papier, le dessin y fait surface, surgissant de l’épaisseur secrète comme d’un lieu d’incubation intérieure

C’est aussi un mot poétique qui induit et accompagne une autre manière de regarder le dessin, de ne pas se laisser prendre par le seul visible et ce qui saute aux yeux. Une invitation à prêter une attention « flottante » au travail sombre à l’œuvre dans le geste, sombre en ce sens qu’il est obscur mais aussi au sens où il s’enfonce « se glisse sous » le visible, passe en douce et cherche notre regard, s’adresse à nous en fouillant nos mots disponibles pour le dire. « Ca nous regarde ! »

Dix artistes rassemblés par Gastineau Massamba s’exposent dans ce salon ; certains d’entre eux s’étaient déjà risqués l’an dernier sous la déclinaison de « l’orphisme ». Ils acceptent de mettre leur œuvre en jeu, de donner du jeu à notre regard avec cette promesse d’un secret embusqué dans leur travail, de ce qui dans le dessin nous fixe, nous aspire, nous oblige à scruter au plus près « ce qui nous regarde », nous dévisage et nous dévore les yeux.

Pour HCE Galerie, c’est une exposition sous le signe de Joyce, de son œil toujours mouvant entre voir et savoir, capable d’entrevoir ce qu’une attention fixe laisse échapper : « Inéluctable modalité du visible : tout au moins cela, sinon plus, qui est pensé à travers mes yeux. […] Fermons les yeux pour voir » (Ulysse)

SITE DE L’EXPOSITION : HCE Galerie